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ZOA 2019 : la chorégraphie au féminin

Thomas Hahn 21 octobre 2019
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Thi-Mai Nguyen © Hichem Dahes

La Zone d’Occupation Artistique présente sa 8e édition et la consacre aux femmes. Six écritures à découvrir, entre création chorégraphique, musicale et théâtrale. ZOA présente toujours des artistes sans peur d’aller au bout des choses, et l’édition 2019 fait souffler un vent particulièrement poétique et philosophique !

Flora Gaudin, Marsyas © DR

Sabrina Weldman, qui a fondé le festival ZOA il y a 8 ans, définit cette manifestation comme un rendez-vous qui “veut offrir la liberté de créer sans tabous, sans cadres préétablis, de prendre des risques, loin des stéréotypes”. C’est pourquoi “le formatage n’est pas de mise”, dit-elle. Au contraire, “le désir de dire et sa possibilité y ont toute leur place”. L’argument est surtout de ne pas se laisser enfermer par une pensée en catégories ou disciplines artistiques. La danse est bien sûr fortement présente, mais hors de toute contrainte.

Au résultat, cette nouvelle édition, entièrement dédiée à la créativité des femmes, “s’annonce très sonore, musicalement et verbalement”, selon Weldman. ZOA est par ailleurs un festival nomade, sans quartier général défini. La 8e édition se décline en quatre soirées et est accueillie par trois lieux parisiens : L’Étoile du Nord (XVIIIe), le Point Éphémère (Xe) et Le Regard du Cygne (XXe), tous connus pour un travail de grande qualité.

Un oiseau rouge qui s’envole

La soirée d’ouverture, le 22 octobre à L’Étoile du Nord, est en même temps la clôture du festival Avis de Turbulences, organisé chaque année dans ce théâtre très ouvert à la danse. Le duo Rising Dragon, Redbird Flying de Maja Zimmerlin rebondit sur le mythe d’Hermaphrodite pour faire apparaître ce qui, dans la rencontre de deux êtres, peut les porter jusqu’à une fusion totale. Mais les forces qui s’y opposent sont également mises sur le plateau. Cette pièce se suspend entre notre désir de la rencontre et celui d’être pleinement soi-même. Elle aborde l’existence tel un cycle…

Dans la même soirée, Thi-Mai Nguyen, longtemps interprète chez Wim Vandekeybus, présente et interprète Etna, un solo qui interroge, là aussi, la possibilité de suivre son chemin dans la vie. Mais ici, c’est la descente aux enfers de la précarité qui préoccupe l’artiste. Pas de naturalisme, mais la révolte d’une femme solitaire, errant à travers les souvenirs de sa vie précédente.

Un seul corps, fait de mouvements et de sons

Au Point Éphémère, ce lieu respirant partout la liberté et l’anticonformisme, sur les bords du canal Saint-Martin, on verra quatre propositions en deux soirées, dont la reprise d’Etna. Vendredi 25, arrive la comédienne et metteure en scène – diplômée en philosophie – Stéphanie Aflalo avec son solo Jusqu’à présent, personne n’a ouvert mon crâne pour voir s’il y avait un cerveau dedans. Elle le situe à la “frontière entre le dicible et l’indicible”, ce qui explique parfaitement sa présence dans un festival où la parole et la danse peuvent se rencontrer. Ici, pour en découdre entre “ce qui a un sens et ce qui n’en a pas”, notamment “en vertu de l’absurde jusqu’à son point de faillite”. Le point de départ est par ailleurs l’ouvrage De la certitude de Wittgenstein.

Ensuite, Flora Gaudin reprend en quelque sorte le fil de Maja Zimmerlin, par sa pièce Marsyas pour deux danseuses (“deux egos qui se prolongent l’un dans l’autre”) ainsi qu’un violoncelliste et un guitariste. Duo-trio-quatuor donc, où se construit “un corps composite dont l’équilibre de chacun dépend de celui des autres”. Où corps, violoncelle et sons ne font plus qu’un.

“Plus sensuel que le shibari”

Le Point Éphémère est aussi le lieu qui sonne parfaitement juste pour Mayalen Otondo avec sa création Point d’orgue (un double sens assez facétieux) où l’interprète de Maguy Marin et Rachid Ouramdane entraîne ses spectateurs dans “la sensation de l’Après pleinement vécu”. “L’Après” ? Il est question, dans Point d’orgue – et on arrive ici à un triple sens – de “kinbaku, un type de bondage au Japon” qui serait “plus sensuel et émotionnel que le shibari”. Un solo “au cœur de cet instant de vide”, de la “petite mort” donc, et en même temps une façon de s’engager auprès des femmes auxquelles on faisait, en d’autres siècles, des procès en sorcellerie. Avec sa création précédente, dédiée à Médée, Otondo a prouvé qu’elle n’a pas peur d’expériences radicales sur scène.

En guise de conclusion, la chorégraphe italienne Laura Simi présente au Regard du Cygne, le 30 octobre, un essai (dans le sens littéraire) sur la relation d’une personne malentendante (ce qu’elle est) à la vie, à la danse, aux rythmes et à la relation entre le corps et le son.

Avec cette édition entièrement féminine, ZOA pose avec insistance la question du lien intime, de la relation à l’autre et à soi-même.

Thomas Hahn

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